« Le carrefour » est une bande-dessinée relatant un drame familial et communal. L’histoire se déroule à la fin des années 60, dans un petit village tristement connu pour son carrefour de la mort.
Le livre débute par un flash-back : automne 1955, deux hommes quittent une soirée et montent complètement ivres, verre à la main, dans une voiture et c’est l’accident… leur voiture fauche deux jeunes filles rentrant chez elles à pieds.
On fait la connaissance d’Elias Baumer, le personnage principal dans le cimetière où est enterrée sa mère. Il s’y rend tous les vendredi à 17 h, depuis 10 ans. C’est aussi, faute de mieux, le lieu de sa rencontre hebdomadaire avec sa fille Marianne qui vient se recueillir sur la tombe de sa grand-mère. La tension entre eux est palpable, sa fille semble en colère contre lui. Elle veut lui parler mais n’en a pas le courage, pas encore tout du moins.
Elias Baumer, la cinquantaine, divorcé, expert en assurance mène une vie tranquille et monotone axée uniquement sur la résolution de ses dossiers. Il passe ses week-end à concevoir des maquettes en papier pour reconstituer les accidents. Ces découpages et coloriages sont ses seuls moments de joies.
Mai 68, la France tourne au ralenti, la pénurie d’essence entraînée par les grèves générales laisse les réseaux routiers vides rendant les accidents quasiment inexistants. Faute de nouveaux dossiers, les compagnies d’assurance ressortent les vieux dossiers non élucidés. C’est ainsi qu’il se voit confier l’affaire d’un accident d’autocar ayant coûté la vie à 15 enfants. Mais pour la première fois de sa vie, Elias Baumer désobéi et se rend dans un village voisin pour s’occuper d’un autre dossier qui lui tient à cœur, celui du carrefour de l’Étoile situé Yvette-sur-Loing, même si ce village lui fait peur.
Il mène son enquête, interroge les deux garagistes dont les affaires sont florissantes grâce au carrefour. Il constate que tous les habitants sont endeuillés par la perte d’un proche et que paradoxalement aucun ne souhaite la modification du carrefour, celui-ci étant devenu pour eux un sanctuaire.
Sa fille le rejoint pour lui parler, elle a reçu une lettre de son grand-père lui disant toute la vérité sur l’accident de voiture et le vrai visage de son père. Elle accuse son père d’être l’auteur de l’accident et d’avoir laissé son père porter le chapeau !
Il était tellement ivre le jour de l’accident qu’il n’en a aucun souvenir. Ce drame l’a hanté pendant 13 ans brisant sa vie. La mort des deux jeunes filles sur la conscience, il s’était interdit d’être heureux. Mais sa venue sur les lieux du drame et la lettre de son père lui confirmeront ce que la vingtaine de maquettes de l’accident qu’il a fabriqué lui indiquait.
Elias Baumer repartira d’Yvette-sur-Loing en ayant résolu les deux dossiers.
Arnaud le Floc’h et Grégory Charvet nous offrent une belle histoire. Le sujet est grave, la période historique bien choisie pour évoquer la situation dramatique de la conduite sous l’emprise de l’alcool sur un réseau routier inadapté à ce nouveau moyen de transport en pleine démocratisation.
Le suspense tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Le scénario est habilement conçu autour de l’enquête qui sert de fil rouge à l’histoire et des flash-back. Les textes, le trait de crayon et la mise en couleur traduisent avec justesse l’atmosphère et les émotions. Tous les personnages sont attachants, authentiques et intrigants.
A découvrir !
Le carrefour
Bande dessinée d’Arnaud Floc’h (scénario) et de Grégory Charlet (dessins et couleurs)
Parue en 2016 chez Bamboo Édition – Collection Grand Angle – 111 pages